lundi 2 janvier 2012

Un peu d'Histoire 2: Le siège de Fort William Henry.

On a tous en tête le beau film de Michael Mann "Le dernier des Mohicans", librement inspiré du roman éponyme de James Fenimore Cooper, lui même librement inspiré de la réalité historique.

On y voit Œil de Faucon, un blanc élevé par les indiens, accompagnant les hypothétiques filles du colonel Monroe jusqu'au Fort William Henry assiégé par les français de Montcalm.

-On à l'impression que le fort est bombardé depuis des semaines, alors que les combats ne durent que 3 jours.
-On y rencontre un marquis de Montcalm (brillamment interprété par Patrice Cherreau), bon et paternaliste avec les hurons, alors que Montcalm détestait se battre au côté des indiens qu'il trouvait d'après ses dires des "alliés trop encombrants", c'est à dire sauvages et sans discipline, à l'opposé des armées européennes de l'époque.
-On y voit des milices coloniales britanniques qui désertent le fort pour aller protéger leurs fermes, alors que non seulement elles sont restées sur place, mais en plus elle y ont fondé le plus célèbre régiment d'irréguliers de la guerre, celui dont les unités d'élites américaine revendiquent en être les descendants aujourd'hui encore: les Roger's Rangers.
-On y voit surtout le massacre des anglais après le siège, la mort atroce du colonel Monroe, alors que la grande majorité d'entre eux survécurent, et que Monroe fit son rapport au général Webb.

Voici ce que l'on sait:

Fort William Henry est une base avancée britannique dans la province de New York. Il est également connu sous le nom de Fort George, en référence au lac George, qu'il borde.
A 30km au sud, est situé sa première base, Fort Edward, QG du général Webb.

La vallée de l'Ohio, territoire iroquois par décret était de plus en plus colonisée par les français.
Les iroquois étant sujet britanniques, il était clair pour la couronne qu'il fallait défendre leurs terres.
Après la mort des diplomates français (voir "Un peu d'Histoire 1"), les escarmouches se succèdent, puis les anglais se mettent à attaquer les forts français.
Après l'attaque de Fort Duquesne, les français décident de contre-attaquer énergiquement.

En Août 1757, le général marquis de Montcalm assiège le fort William Henry avec une imposante armée de 6000 soldats, 1600 indiens, 36 canons et 4 mortiers lourds.
Dans le fort, le lieutenant colonel Monroe dispose seulement de 2372 hommes.

Dans la nuit du 2 au 3 août, les français débarquent du côté le moins protégé du fort, car le plus à découvert.
Les sapeurs français construisent une route et un réseau de tranchées à une vitesse hallucinante, à partir du 3 août, pour faire avancer toute l'artillerie à portée.
Pendant ce temps, indiens et tireurs embusqués de la milice canadienne harcèlent les défenseurs et coupe les voies de communication pour fort Edward.

Du 3 au 6 Août, l'artillerie française ne cesse de progresser et pilonne de plus en plus durement le fort. Les anglais perdent 64 hommes. Monroe tente d'envoyer des messages à Webb, ils sont tous tués.

Du 7 au 9 août, on cesse le feu. Des pourparlers ont lieu entre Monroe et le capitaine chevalier de Bougainville, l'aide de camp de Montcalm. Chacun des deux hommes apprécie la politesse et les bonnes manières de son interlocuteur.
Bougainville remet à Monroe une lettre de Webb prise sur le corps du premier Roger's Ranger tué dans cette guerre. Elle stipule que la garnison ne recevra certainement aucune aide extérieur.

La reddition est inévitable, mais le code de l'honneur l'interdit, tant qu'il n'y a pas une brèche dans les fortifications.
Les bombardements reprennent. Les français se concentrent sur un point précis pour éviter les pertes inutiles.
L'officier ingénieur britannique apprend à Monroe qu'une section du mur est prête à s'effondrer.

Le 9 août, Monroe et Bougainville s'entendent sur les termes de la reddition: les anglais pourront repartir avec leurs biens, armes, et drapeaux déployés. En échange de conserver son honneur, et celui de son régiment intacts, Monroe s'engage à ne plus se battre contre les français pendant 18 mois.

Le siège ayant été de courte durée, il y a des vivres à l'intérieur du fort. Les anglais décident de s'en servir pour organiser un grand banquet en l'honneur de leurs vainqueurs.
Les blancs mangent, boivent et s'amusent tous ensembles, alors que les indiens ne sont pas conviés à la fête. Ils ont quitté leurs villages, se sont bien battus, ont subit des pertes, et n'ont rien gagné.

Ils se sentent trahis par ces blancs qui n'ont pas l'air si ennemis que ça, vu que non seulement les perdants ne sont pas mis à mort, mais en plus ils s’empiffrent ensemble.
Pire encore, Montcalm reviens sur sa parole donnée. Il avait juré aux indiens que leur contribution à cette campagne leur permettrai de disposer de Fort William Henry. Il n'en est absolument plus question.
Floués une fois de plus (et c'est loin d'être terminé), certains indiens laissent parler leur colère et s'en prennent à des anglais devant les portes du fort. Les français interviennent pour protéger ces derniers. Ensuite, Montcalm fait bruler le fort devant des indiens abasourdis.


Afin d’empêcher les indiens d'attaquer un ennemi de valeur s'étant élégamment défendu, puis rendu, Montcalm fait escorter par des grenadiers, ses troupes d'élite, la colonne de Monroe qui part rejoindre Webb à Fort Edward.
Dans les profondeurs de la forêt, les indiens agressent les tuniques rouges, afin de voler un maximum de biens. Les français ne parviennent pas à les protéger tous.
Sur 2308 soldats partis de fort William Henry le 9 août, 1783, puis 217 ( donc 2000 en tout) parviennent à rejoindre Fort Edward, dont Monroe.

Suite à la tuerie de ces 308 hommes, Webb refuse de reconnaitre les conditions de la reddition. Il se fâche avec Monroe, en le forçant à briser son serment de ne plus combattre pendant 18 mois, et décide de ne plus jamais accorder les honneurs de la guerre aux français.

Cette bataille est extrêmement représentative du gouffre culturel entre les indiens qui se battent pour survivre, pour s'enrichir, ou tout simplement pour leur terre, et les européens qui combattent pour des raisons plus abstaites comme le patriotisme et l'honneur, en se laissant guider par des traditions héritée du monde médiéval. Ces incompréhensions conduiront à encore bien des catastrophes.


Et voilà.
Il ne faut pas en vouloir à Michael Mann. Le créateur de Starsky et Hutch, puis de Deux flics à Miami, ne dispose que d'une heure 48 pour nous montrer la Guerre de 7 ans dans la région des grands lacs. Plutôt que de respecter l'Histoire de façon linéaire, il préfère nous plonger dans une ambiance générale très proche de ce qui a été ce conflit.

3 commentaires:

  1. C'est très intéressante de comparer la réalité au cinéma!

    il reste que le film en question est un grand film sur le sujet c'est sur!!

    cordialement
    paco

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  2. Histoire et cinéma font très rarement bon ménage.

    Michael Mann réussit un concentré de ce que fut cette guerre, en décrivant la cruauté sans limite des deux camps.

    Ça aurait été pas mal qu'il insiste sur l'immense gouffre culturel entre les habitants du nouveau et de l'ancien monde, ainsi que sur le jeu des alliances entre eux.

    Le rapport entre le roman de Cooper et la réalité est aussi très intéressant. Rien que le titre "Le dernier des Mohicans" est une erreur.

    Les mohicans, ou plutôt les mahicans , dont le nom signifie "les loups",étaient en guerre contre les mohawks pour le contrôle des fourrures sur la baie d'Hudson. Chassés par les anglais, ils se rangent du côté des français.

    Ils restent fidèles à ces derniers jusqu'au bout, certains combattrons même sous les ordres du général Lafayette 20 ans plus tard, pendant la guerre d'indépendance.

    Ils vivent aujourd'hui dans une réserve du Wisconsin.

    Ils n'étaient donc pas du tout du côté des anglais, et le dernier d'entre eux n'est pas encore né.

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  3. Il est vrai qu'Holywood tourne systématiquement les scenari vers une vision americano-compatible! c'est vra pour Enigma, Master and Commander etc....

    cordialement
    paco

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