dimanche 8 janvier 2012

Un peu d'Histoire 4: les indiens vus par les blancs.

Comme nous l'avons abordé précédemment, le choc des civilisations entre les habitants du Nouveau Monde et les européens déclencha bien des catastrophes.

Les indiens n'avaient bien souvent que de la curiosité pour ces drôles d'étrangers qui posaient pied sur leurs côtes.
Quand les hommes de Jacques Cartier tentaient de demander aux hurons le nom du pays dans lequel ils venaient de débarquer, les indiens répondaient: "kebec" et "kanata", en montrant du doigt l'intérieur des terres. Ces mots iroquoians signifient village et maison. Ils les invitaient tout simplement chez eux.

Mis à part quelques notables exceptions, comme les colons suédois qui ne combattirent jamais les natifs, les quakers de William Penn qui vinrent avec un idéal de paix, conscients d’empiéter sur la terre d'autres hommes, et les coureurs des bois de la Nouvelle-France qui eurent des relations souvent fraternelles avec les hurons et qui partagèrent leurs vies, en prenant des épouses dans leurs tribus, la grande majorité des blancs ne voyaient chez les indiens que des sauvages dont il fallait au mieux se méfier, au pire s'en débarrasser.

Très vite un torrent de larmes et de sang se mis à déferler, la méconnaissance de l'autre entrainant la peur, puis la haine. La vengeance appela la vengeance, et tout retour en arrière devint impossible.

Pour bien comprendre que le monde des blancs réduisaient les civilisations amérindiennes à pas plus que des sauvages assoiffés de sang, voici un extrait du livre parut en 1790 "Les voyages dans les parties intérieures de l'Amérique pendant le cours de la dernière guerre" de l'officier anglais Thomas Anburey (en réalité un journal commencé le 8 août 1776, au départ de l'Angleterre, et achevé le 15 décembre 1781, de retour au pays):

"Quand les indiens scalpent un ennemi mort ou hors d'état de se défendre, ils lui mettent un pied sur le cou, entortillant ses cheveux autour de la main gauche pour retirer la peau qui couvre le sommet de la tête, et de l'autre main, tirant de leur sein un couteau qu'ils tiennent toujours en bon état. Pour faire cette cruelle opération, ils enlèvent en deux ou trois coups, donnés avec adresse, tout le péri-crâne. Ils sont si expéditifs que souvent une minute suffit. Quand les cheveux sont courts et qu'il n'y a pas assez de prise pour la main, ils se baissent et l'arrachent avec les dents. Aprés cette glorieuse opération, s'ils en ont le temps, ils attachent ces trophées de leur cruauté à un petit cerceau, avec des liens d'écorces d'arbre ou des nerfs de bêtes fauves. Pour les garantir de la putréfaction, ils peignent ensuite en couleur rouge une partie de ce péri-crâne et du cerceau et les gardent comme des monuments de leur valeur et comme une marque de la vengeance qu'ils ont tirée de leurs ennemis. Je vis à l'entrée d'un des camps indiens plusieurs trophées semblables pendus à des poteaux devant les cabanes. Il y en avait un entr'autres dont les cheveux étaient remarquable par leur beauté et par leur longueur. Un officier qui était avec moi et qui avait l'envie d'en faire l'acquisition, offrit à l'indien une bouteille de rhum en échange, mais malgré une offre aussi tentante, ce dernier se trouva offensé, il ne voulait pas céder ce trophée de barbarie."

Quel mépris de la part de Anburey de s'attarder aussi longtemps sur le scalp, et dans sa façon mi- écœuré, mi-satirique dans sa description, alors que nul part dans son journal il n'évoque ni l'art, ni la philosophie, ni l'organisation sociale des indiens.
En plus, qui est le plus sauvage des deux: l'indien fier du trophée qui signifie quelque chose, ou le "touriste" qui veut l'échanger contre de l'alcool, considéré comme poison par les natifs?

Par contre, il est bien obligé, dans un autre chapitre de rajouter ceci, mais ça concerne toujours uniquement le côté violent:

"Tout indien est chasseur, et leur manière de chasser est la même que celle dont ils font la guerre. Ils changent seulement d'objet, ils se cachent, surprennent et tuent des hommes ou des animaux. C'est une nécessité indispensable d'avoir des indiens dans son parti, lorsque l'on a à combattre. Si, parmi nos soldats, nous n'avions pas des hommes accoutumés à cette espèce d'exercice militaire, notre discipline européenne serait insuffisante dans les bois contre les sauvages."

Il reconnait que les indiens sont efficaces, mais rajoute que cette efficacité doit être retournée contre eux, car dans son esprit, ils sont juste nuisibles.


Très révélateur aussi, le discours du général Burgoyne aux indiens de son armée le 20 Juin 1777, nous fais poser les questions: "les connait-il vraiment? Se rend-il compte qu'il a en face de lui toute une civilisation?"
En voici un extrait:

" Je vous défend de répandre le sang de celui qui n'a point d'armes pour vous résister.Vous ne vous servirez ni de la hache ni du couteau contre les vieillards, les femmes, les enfants, et les prisonniers, même pendant le temps d'un combat. Vous serez récompensés pour tous les prisonniers que vous ferez, mais si vous en scalpez quelque uns, vous serez punis.
Par égard cependant pour vos usages et comme vous attachez un si grand honneur à ces marques de victoire, vous pourrez scalper ceux que vous tuerez à coup de fusil, dans le cas ou ils résisteraient. Je vous défend de scalper, sous quelques prétexte que ce soit, les blessés et même les mourants, et surtout de les tuer par une fausse compassion."

Même sur une terre indienne, c'est le "civilisé" qui dicte sa loi, le natif étant considéré comme sauvage et inférieur.
Ce discours est plein d'hypocrisies, car les blancs encourageaient à mots couverts la pratique du scalp, pour monter les tribus les unes contre les autres.

Dans la vision du blanc, on a l'impression que tout tourne autour de ce fameux scalp. Les colons et les soldats ont étés tellement impressionnés et terrorisés par cette pratique, qu'ils ont réduit la culture indienne à ce trophée.
Aujourd'hui encore, dans l'esprit et la culture populaire, l'image du scalp apparait immanquablement quand on parle des amérindiens.

Le 25 juillet 1774, lorsque le major MacDonald, envoyé par Lord Dunmore, attaqua le fameux village Wakatomica (d’où partaient tous les raids shawnee depuis des décennies), ses hommes dénombrèrent plus de 9300 scalps suspendus à des mats.
C'étaient tous des vétérans plus que confirmés: Roger's Rangers, fusiliers de Morgan, de célèbres éclaireurs et des explorateurs. Pourtant, ils fondirent tous en larme, croyant reconnaitre la chevelure d'une épouse, d'un parent, d'un fils disparu...
L'effet psychologique du scalp est tellement fort, que c'est tout ce qu'on retint de cette journée, malgré d'âpres combats avant la prise du village déserté par ses habitants.
MacDonald fit brûler Wakatomica, et tous les scalps.

Quelle image des blancs auraient eue les indiens s'ils avaient imaginé les tortures sadiques de l'Inquisition pendant la Renaissance? la chasse aux sorcières? ( dernière femme brûlée sur un bucher en France le 28 juillet 1826, dernière sorcière pendue en Angleterre en 1808) les guerres incessantes entre les princes d'Europe?...
Mais comme disait le chef Fin-Renard: "Il se peut que chez les blancs il y ait de braves gens, mais leur faire confiance, c'est le moyen le plus rapide d'être tué."

3 commentaires:

  1. Trés interressant!

    De quelles sources tires tu tout cela ?

    (tient ça me fait penser qu'une base biblio serait interressante! )
    cordialement
    paco

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  2. Parallèlement à mes 21 ans de recherches sur le xvé siècle pour et avec la Compagnie Saint Georges, j'ai toujours accumulé des dossiers et des bouquins sur les guerres du Canada, dans le secret espoir, un jour, de reconstituer les Compagnies Franches de la Marine.

    Le manque de temps, et le peu d’intérêt pour ça de la part de mon entourage, m'en ont toujours empêché.

    Quand je travaillai à Québec, je suis même allé me balader sur quelques principaux champs de batailles (plaines d'Abraham, Chutes de Montmorency, Fort Carillon...)pour me rendre compte par moi-même du terrain.

    Alors quand tu m'as proposé ce projet de monter des bandes de figurines pour Mousquet et Tomahawk, évidemment, j'ai foncé.

    Ça me sert sans doute du substitut au fait que je ne pourrait sans doute jamais reconstituer cette période, et me cacher derrière un arbre avec mes amis indiens, avant de lancer nos tomahawks sur des homards bien alignés dans la clairière.

    Avant de faire une base biblio, si les membres du forum cherchent des renseignements, n'oublions pas qu'il existe 2 séries télé documentaires très très bonnes, avec d'excellents groupes de reconstitutions: "Québec History" qu'on trouve sur Youtube, et "La guerre qui a fait l'Amérique" qui passe sur la chaine "Toute l'Histoire".

    C'est plus agréable dans un premier temps de passer un bon moment devant sa télé ou son écran, que de se lancer dans la lecture de gros pavé parfois indigestes.

    Si Julien et toi avez des "un peu d'Histoire..." à écrire, vous êtes les bienvenus. Cela ne m'est pas forcement réservé.

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  3. On va donc regarder tout cela!!

    ah !je ne ferais pas déjà une deuxieme pèriode en reconstit......moi aussi c'est les Compagnies Franches de la Marine ou du romain tardif mes deux pèriode que j'aurai bien fait un jour avec plus de temps, plus d'argent dans la quatrieme dimension quoi !!!!

    cordialement
    paco

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